Au coeur de l'horreur

Bag boy lover boy

Synopsis :

Albert mène une existence crasse, faite de galère et de solitude. Vendeur de hot dogs dans une échoppe miteuse, il croise un soir un photographe professionnel, Ivan Worthington, qui lui propose de poser pour lui. Réticent, Albert finit par accepter et se rend au studio du photographe pour un shooting fétichiste. Après un second shooting, Ivan part à Milan pour réaliser des photos de mode et laisse par inadvertance les clés de son studio à Albert. Ce dernier va en profiter pour squatter les lieux et s’essayer à la photographie en engageant des modèles trouvés dans la rue. Mais Albert est prêt à tout pour assouvir ses désirs et ambitions artistiques et les séances shooting vont finir par dégénérer…

Critique :

Bag boy lover boy a été projeté pour la première fois au Fantasia International Film Festival en juillet dernier, où il a reçu un accueil favorable, tant public que critique. Le film a marqué les esprits par son côté subversif et underground. Mais avant de découvrir cette œuvre iconoclaste, nous avons pu assister à la projection du court métrage Ink d’Andy Stewart. Une œuvre choc et gore qui met en scène un homme tuant des individus croisés dans la rue pour les taillader et s’emparer de leurs tatouages qu’il greffe sur son propre corps. Un film d’une grande et repoussante intensité qui plonge le spectateur dans une spirale obsessionnelle destructrice et automutilatrice. Andy Stewart fait preuve d’une grande maîtrise visuelle et offre des effets spéciaux d’un réalisme chirurgical. Un réalisateur à suivre de très près.

Comme souvent, le film en compétition a été précédé par un court message vidéo du réalisateur. Mais au lieu de se contenter d’un banal remerciement face caméra, Andrés Torres se filme dans une pièce sordide inondée d’une lumière rouge sanglante en train de s’empiffrer torse nu. La scène est accompagnée d’un monologue qui exprime notamment sa répugnance à l’égard de toute tentative d’intellectualisation de son film, stigmatisant les interprétations symboliques (« ça me donne envie de gerber »), qu’il assimile à un discours snobe et inconsistant. Ce qui importe pour Andrés Torres, ce sont avant tout l’histoire et les personnages. Une vidéo joyeusement obscène qui reflète la démarche artistique du réalisateur et introduit parfaitement les thématiques développées dans son film. On tâchera donc de respecter autant que faire se peut la volonté d’Andrés Torres en évitant tout excès de symbolisme (c’est quoi déjà un symbole ?).

Bag boy lover boy

Albert est un homme socialement invisible, au physique singulier et à la voix nasillarde. Il attire le regard du photographe Ivan Worthington qui veut faire d’Albert sa nouvelle égérie dans une série de clichés fétichistes à l’esprit « freaks ». Mais Albert ne prend aucun plaisir à poser pour Ivan et veut avant tout apprendre la photographie dans l’espoir de séduire la fille qu’il convoite, Sarah. Albert va ainsi profiter de son statut autoproclamé de photographe pour attirer les regards et s’extraire temporairement de sa condition sociale. Il va donner vie à ses penchants et désirs enfouis en s’inspirant des quelques séances photos auxquelles il a assistées. Car Albert concèdera ne rien connaître à l’art et sa seule référence demeurera le travail provocateur d’Ivan. Dans ses délires artistiques, Albert reprendra ainsi des éléments de ces deux premiers shootings, notamment les poses sexy et l’utilisation d’un sac plastique pour camoufler le visage du modèle. Deux éléments qui sonnent comme une critique de l’art contemporain, perçu comme racoleur et déshumanisant (cacher le visage revenant à ôter l’identité du modèle). Mais dans sa folie, Albert sera peut-être le seul à proposer une démarche sincère et viscérale en allant au bout de ses mises en scène, sans se contenter d’une subversion factice capturée par l’appareil.

Bag boy lover boy est ainsi une satire savoureuse de l’art contemporain. Comme cette scène où un des modèles d’Yvan, déguisée en cochon et molestée timidement par Albert qui incarne un boucher, refuse de tourner car elle est végétarienne. Il suffira de quelques explications improvisées d’Ivan sur la supposée portée symbolique de la scène pour décontenancer le modèle et légitimer cette mascarade artistique. Une situation d’autant plus hypocrite et grotesque qu’Ivan se sert de cette caution artistique à des fins marketing (pour faire croître sa cote notamment).

On pourrait être tenté de voir dans la relation qu’entretiennent Ivan et Albert, une métaphore sociale, celle d’une bourgeoisie superficielle et arrogante qui exploite la docilité d’une classe laborieuse dénuée d’ambition. Mais Bag boy lover boy résiste à toute parabole sociale et se gausse de tout discours bien-pensant ou moralisant. La rencontre avec Ivan ne fera que révéler la folie latente d’Albert, et non la créer. Albert n’est pas le symbole d’une quelconque condition sociale, mais un personnage unique et asocial (il n’a aucun ami, aucune relation proche) qui erre sans but dans un paysage urbain désincarné. Car ce que dépeint le film est avant tout une agitation urbaine qui donne lieu à des rencontres nocturnes improbables qui brouillent les repères sociaux, où un cadre d’entreprise côtoie dans un même stand un sans-abri ou un junkie.

Bag boy lover boy

Malgré son micro-budget, Bag boy lover boy est un film à la réalisation soignée qui dévoile tout le talent du jeune acteur suédois John Wachter (qui incarne avec justesse le nonchalant Albert). Toute l’intelligence d’Andrés Torres est de dévoiler les pensées de son protagoniste à travers des scènes fantasmées, des saynètes d’une naïveté grotesque où Albert tente d’impressionner et de séduire Sarah. Ces scènes, filmées principalement dans un décor blanc et aseptisé, renforcent la sensation d’isolement et de vacuité d’Albert. Elles contrastent avec une autre scène clé du film, celle de la fameuse danse d’Albert, qui se déhanche dans le noir, le corps ensanglanté, sous une musique électro. Une scène qui symbolise toute l’agitation intérieure d’Albert et se matérialise sous la forme d’un déchaînement de violence.

Bag boy lover boy est une œuvre inclassable, une expérimentation cinématographique qui déjoue les codes des différents genres. Une œuvre créative et explosive, à l’humour noir et au dénouement cynique. Un film qui détonne dans un univers cinématographique bien trop souvent formaté et grégaire. On ne peut que saluer l’audace d’Andrés Torres tout en espérant que le jeune réalisateur poursuivra cette entreprise artistique irrévérencieuse.

Synopsis : Albert mène une existence crasse, faite de galère et de solitude. Vendeur de hot dogs dans une échoppe miteuse, il croise un soir un photographe professionnel, Ivan Worthington, qui lui propose de poser pour lui. Réticent, Albert finit par accepter et se rend au studio du photographe pour un shooting fétichiste. Après un second shooting, Ivan part à Milan pour réaliser des photos de mode et laisse par inadvertance les clés de son studio à Albert. Ce dernier va en profiter pour squatter les lieux et s’essayer à la photographie en engageant des modèles trouvés dans la rue. Mais Albert est prêt à tout pour assouvir ses désirs et ambitions artistiques et les séances shooting vont finir par dégénérer… Critique : Bag boy lover boy a été projeté pour la première fois au Fantasia International Film Festival en juillet dernier, où il a reçu un accueil favorable, tant public que critique. Le film a marqué les esprits par son côté subversif et underground. Mais avant de découvrir cette œuvre iconoclaste, nous avons pu assister à la projection du court métrage Ink d’Andy Stewart. Une œuvre choc et gore qui met en scène un homme tuant des individus croisés dans la rue pour les taillader et s’emparer de leurs tatouages qu’il greffe sur son propre corps. Un film d’une grande et repoussante intensité qui plonge le spectateur dans une spirale obsessionnelle destructrice et automutilatrice. Andy Stewart fait preuve d’une grande maîtrise visuelle et offre des effets spéciaux d’un réalisme chirurgical. Un réalisateur à suivre de très près. Comme souvent, le film en compétition a été précédé par un court message vidéo du réalisateur. Mais au lieu de se contenter d’un banal remerciement face caméra, Andrés Torres se filme dans une pièce sordide inondée d’une lumière rouge sanglante en train de s’empiffrer torse nu. La scène est accompagnée d’un monologue qui exprime notamment sa répugnance à l’égard de toute tentative d’intellectualisation de son film, stigmatisant les interprétations symboliques (« ça me donne envie de gerber »), qu’il assimile à un discours snobe et inconsistant. Ce qui importe pour Andrés Torres, ce sont avant tout l’histoire et les personnages. Une vidéo joyeusement obscène qui reflète la démarche artistique du réalisateur et introduit parfaitement les thématiques développées dans son film. On tâchera donc de respecter autant que faire se peut la volonté d’Andrés Torres en évitant tout excès de symbolisme (c’est quoi déjà un symbole ?). Albert est un homme socialement invisible, au physique singulier et à la voix nasillarde. Il attire le regard du photographe Ivan Worthington qui veut faire d’Albert sa nouvelle égérie dans une série de clichés fétichistes à l’esprit « freaks ». Mais Albert ne prend aucun plaisir à poser pour Ivan et veut avant tout apprendre la photographie dans l’espoir de séduire la fille qu’il convoite, Sarah. Albert va ainsi profiter de son statut autoproclamé de photographe pour attirer les regards et s’extraire temporairement de sa condition sociale. Il va donner vie à ses penchants et désirs enfouis en s’inspirant des quelques séances…

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NOTE

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Pays de production : États-Unis | Année de production : 2014

Réalisation : Andrés Torres

Photo : Anna Franquesa Solano

Musique : Barbara De Biasi | Production : Ziyad Saadi

Interprètes : Theodore Bouloukos, Jon Wachter, Kathy Biehl

Bag boy lover boy

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