Au coeur de l'horreur

Mayhem

Synopsis

Un cabinet d’avocat est mis en quarantaine, ce qui empêche toute sortie des employés… ainsi que des fraîchement licenciés, tel le jeune Derek. Les militaires entourent le bâtiment, tandis que certains collègues semblent pris d’une folie meurtrière…

Critique

Il peut paraître paradoxal que le cinéma de genre, qui s’est affirmé dans les années 70 comme un cinéma au sous-texte politique et social contestataire (on ne citera ici que le plus fameux d’entre eux dans ce genre, le regretté George Romero), ait si peu exploité le monde du travail, un cadre pourtant particulièrement propice au déchaînement des violences et à la remise en cause de l’ordre existant. Sans pour autant adopter une vulgate marxiste, l’entreprise apparaît en effet comme un cadre privilégié pour la mise à nu des rapports de domination et de pouvoir, une sorte de réceptacle des tensions et antagonismes sociaux-politiques. Il était donc regrettable que le monde du travail ait été laissé au seul cinéma d’auteur dont Ken Loach est l’un des plus éminents représentants. Mais une tendance semble se dessiner dans le genre par une utilisation croissante du cadre de l’entreprise. Le marasme économique des dix dernières années ainsi que la radicalisation croissance des rapports sociaux n’est pas étrangère à ce phénomène. On ne s’étonnera donc pas d’assister à la sortie presque concomitante de deux films de genre se déroulant dans une entreprise : The Belko Experiment, de Greg McLean, réalisateur du diptyque Wolf Creek, souvent présenté comme un Battle Royal version entreprise, et le film qui nous intéresse ici, Mayhem et ses salariés enragés. Mais ce nouveau cadre est-il synonyme d’un renouveau du genre ou n’est-il qu’une simple variation décorative et scénique sans impact dramaturgique?

Si le réalisateur du film, Joe Lynch, n’est pas un novice, et a pu notamment faire ses armes sur la séquelle de Détour Mortel, c’est surtout la présence au casting de l’acteur Steven Yeun, incarnant Glenn dans la série The Walking Dead, et de Samara Weaving, connue pour son rôle d’Heather dans la série Ash VS Evil Dead, qui ont assuré la promotion du film. L’action de Mayhem se déroule dans un cabinet d’avocats. Une voix off présente rapidement le contexte dans une scène d’exposition au débit rapide : un virus est apparu il y a quelques mois, modifiant chimiquement le cerveau des victimes et entraînant des comportements débridés et désinhibés (violence et sexe). Fait important, le premier meurtre causé par le virus, a donné lieu à un non lieu, la justice ayant estimé que l’agresseur, sous l’emprise du virus, n’avait pas conscience de ses actes et agissait sous une impulsion physiologique. Et ce n’est autre que le personnage principal, Derek Cho (Steven Yeun), qui a découvert cette faille, devenant ainsi l’une des coqueluches de son cabinet. Mais lors d’une confrontation avec sa supérieure hiérarchique, la Chef des opérations, une femme arriviste qui bénéficie des faveurs du PDG, Derek est licencié. Au même moment, le virus est détecté au sein de l’entreprise et celle-ci est mise en quarantaine. Derek décide alors d’accéder au dernier étage pour plaider sa cause auprès du conseil d’administration.

Mayhem-movie-2

Cette prémisse de Mayhem semble être un mélange entre un film de Romero(des infectés même si ceux-ci ne sont pas des zombies ni des cannibales) et un jeu vidéo (le principe de gravir les étages supérieurs en affrontant un boss). Le tout baigné car Mayhem est une comédie potache qui s’assume. Et même si le sous-texte social est asséné au marteau-piqueur, Joe Lynch prendra toujours le soin de dédramatiser son discours par des touches humoristiques bienvenues comme la confrontation finale qui oppose un PDG muni d’un club de golf à Derek, salarié licencié armé d’une clé à molette. Les scènes d’action et de gore ne constituent donc pas l’attrait principal du film, ces dernières étant par ailleurs relativement répétitives et mollassonnes. C’est en effet l’enchaînement de gags potaches, souvent empreints de multiples références qui fait toute la saveur du film. Mayhem fait d’ailleurs preuve d’une certaines créativité en la matière lorsqu’il insuffle par exemple lors d’une scène d’action une ambiance de scène de concert Metal, où l’atmosphère brumeuse des fumigènes est remplacée par des extincteurs. Ou encore quand Joel Lynch met en scène une confrontation de salariés en parodiant Les Guerriers de la nuit. Autant de scènes qui révèlent le plaisir du réalisateur à jouer avec les références et à les détourner avec ironie.

Cependant, mise à part ces quelques moments clés, le film perd rapidement en intensité, alternant des gags sans saveur et des scènes d’actions indolentes. Cette perte d’intérêt est la conséquence d’une écriture rapide, voire bâclée par moment, et d’une structure scénaristique bancale. L’exposition, très courte, permet d’entrer certes d’entrer rapidement dans le vif du sujet mais a pour conséquence de délaisser le développement des personnages, à peine esquissés (le plus caricatural étant l’ami de Derek dépourvu de toute personnalité). Même la figure de la fameuse chef des opérations, à l’origine de la traîtrise et de son limogeage, apparaît bien trop superficielle pour offrir dans le dernier tiers du film une confrontation satisfaisante et un moment dramatique fort. Seul le personnage du PDG arrive à sortir son épingle du jeu par son caractère outrancier et caricatural à souhait (management tyrannique, irrationalité et usage immodéré de cocaïne). Il en ressort une ambiance superficielle et factice de l’entourage des deux protagonistes, comme si la caméra et le film voulaient que le spectateur ne regardent qu’eux, sans voir autour le manque d’investissement dans les décors ou les actes des personnages en arrière-plan (quel manque de motivation et crédibilité dans certaines scènes!). La réalisation est à l’image du travail scénaristique : soigné sans pour autant faire preuve de créativité. En outre, le parti pris d’un montage saccadé accompagné de nombreux mouvements de caméras, symbolisant l’atmosphère tapageuse et bling-bling, est susceptible d’agacer par son aspect esthétique très proche du clip.

Mayhem n’est ni le coup de coeur espéré, ni le fiasco qu’on aurait pu craindre. Une comédie horrifique certes inégale mais qui offre toutefois quelques belles trouvailles et remplit parfaitement sa fonction de divertissement à l’occasion de l’ouverture de cette 23e édition de l’Etrange Festival.

[vc_row][vc_column][vc_text_separator title="Synopsis"][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text]Un cabinet d’avocat est mis en quarantaine, ce qui empêche toute sortie des employés… ainsi que des fraîchement licenciés, tel le jeune Derek. Les militaires entourent le bâtiment, tandis que certains collègues semblent pris d’une folie meurtrière…[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_text_separator title="Critique"][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text] [dropcap style="style1"]I[/dropcap]l peut paraître paradoxal que le cinéma de genre, qui s’est affirmé dans les années 70 comme un cinéma au sous-texte politique et social contestataire (on ne citera ici que le plus fameux d’entre eux dans ce genre, le regretté George Romero), ait si peu exploité le monde du travail, un cadre pourtant particulièrement propice au déchaînement des violences et à la remise en cause de l’ordre existant. Sans pour autant adopter une vulgate marxiste, l’entreprise apparaît en effet comme un cadre privilégié pour la mise à nu des rapports de domination et de pouvoir, une sorte de réceptacle des tensions et antagonismes sociaux-politiques. Il était donc regrettable que le monde du travail ait été laissé au seul cinéma d’auteur dont Ken Loach est l’un des plus éminents représentants. Mais une tendance semble se dessiner dans le genre par une utilisation croissante du cadre de l’entreprise. Le marasme économique des dix dernières années ainsi que la radicalisation croissance des rapports sociaux n’est pas étrangère à ce phénomène. On ne s’étonnera donc pas d’assister à la sortie presque concomitante de deux films de genre se déroulant dans une entreprise : The Belko Experiment, de Greg McLean, réalisateur du diptyque Wolf Creek, souvent présenté comme un Battle Royal version entreprise, et le film qui nous intéresse ici, Mayhem et ses salariés enragés. Mais ce nouveau cadre est-il synonyme d’un renouveau du genre ou n’est-il qu’une simple variation décorative et scénique sans impact dramaturgique? Si le réalisateur du film, Joe Lynch, n’est pas un novice, et a pu notamment faire ses armes sur la séquelle de Détour Mortel, c’est surtout la présence au casting de l’acteur Steven Yeun, incarnant Glenn dans la série The Walking Dead, et de Samara Weaving, connue pour son rôle d’Heather dans la série Ash VS Evil Dead, qui ont assuré la promotion du film. L’action de Mayhem se déroule dans un cabinet d’avocats. Une voix off présente rapidement le contexte dans une scène d’exposition au débit rapide : un virus est apparu il y a quelques mois, modifiant chimiquement le cerveau des victimes et entraînant des comportements débridés et désinhibés (violence et sexe). Fait important, le premier meurtre causé par le virus, a donné lieu à un non lieu, la justice ayant estimé que l’agresseur, sous l’emprise du virus, n’avait pas conscience de ses actes et agissait sous une impulsion physiologique. Et ce n’est autre que le personnage principal, Derek Cho (Steven Yeun), qui a découvert cette faille, devenant ainsi l’une des coqueluches de son cabinet. Mais lors d’une confrontation avec sa supérieure hiérarchique, la Chef des opérations, une femme arriviste qui bénéficie des faveurs du PDG, Derek est licencié. Au même moment, le virus est détecté au sein de l’entreprise et celle-ci est mise en quarantaine. Derek décide alors d’accéder au dernier étage pour plaider sa cause auprès du conseil…

6

10

Note

6

6

Informations

Titre original : Mayhem

Réalisation : Joe Lynch

Scénario : Matias Caruso

Casting : Steven Yeun, Samara Weaving, Steven Brand

Pays d’origine : Etats-Unis

Genre : Zombie

Durée : 86 minutes

Date de sortie : 2 juin 2018 (VOD)

Lien IMDB

Lien Allocine

Articles suggérés

(Festival Mauvais Genre) The Demon’s Rook (Note : 5/10)

horreur

6

10

Ava’s Possessions

Le Druide

7

10

The Conjuring 2 : le cas Enfield

Tetsuo

Laissez un commentaire

Au Coeur de l'Horreur utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité, mesurer l’audience et optimiser les fonctionnalités des réseaux sociaux. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies dans les conditions prévues par notre politique de confidentialité. En savoir plus et gérer les cookies. Accepter En savoir plus