Synopsis
Un virus inconnu se répand en Corée du Sud, l’état d’urgence est décrété. Les passagers du train KTX se livrent à une lutte sans merci afin de survivre jusqu’à Busan, l’unique ville où ils seront en sécurité…
Critique
La réputation et la vitalité du cinéma coréen n’est plus à prouver (on parle bien entendu de la Corée du Sud et non des films de propagande à la gloire de Kim Jong-Un). La Corée du sud est en effet devenue en quelques décennies un vivier de réalisateurs talentueux dont les oeuvres ont été récompensées dans les plus grands festivals internationaux. Un cinéma qui nous a entre autres offert de belles fresques mafieuses et des polars noirs violents. On pense nécessairement à Memories of Murder, The Chaser, ou la célèbre trilogie de la violence de Park Chan Wook. Si en matière horrifique le cinéma coréen se fait plus discret, deux films ont toutefois marqué de leur empreinte les salles françaises ces dernières semaines : The Strangers, présenté à Cannes, qui mêle habilement polar et fantastique, et Dernier train pour Busan, un survival zombiesque adoubé par les fans de genre et un public plus hétéroclite (un peu à l’instar de The Walking Dead qui est parvenue à dépasser le public traditionnel des oeuvres horrifiques). Avec Dernier train pour Busan, le réalisateur Yeun Sang-Ho, issu du monde de l’animation, s’attaque pour la première fois à un tournage en prises de vues réelles tout en poursuivant son exploration du genre zombiesque.
Dernier Train pour Busan est un film parfaitement maîtrisé, tant dans sa réalisation que dans son rythme narratif. Le film s’inspire de classiques du genre (les films de Romero, 28 jours plus tard…), mais parvient à se forger une identité propre en contextualisant habilement son histoire. Dernier train pour Busan ressemble à moult films de zombies mais en est paradoxalement fort différent. Le film trouve un juste équilibre entre la mise en scène de situations universelles (survie, amour filial…), et le traitement de problématiques locales (situation socio-politique du pays, absence d’armes à feu…). Le réalisateur coréen a en outre su instaurer un rythme équilibré et efficace, en dépit de quelques longueurs dans la dernière demi-heure. Le film a également l’intelligence de ne pas se contenter du décor exigu des wagons pour s’ouvrir et faire exploser son cadre dans la seconde partie. Ce dernier acte apporte un second souffle au film qui se clôture sur une trouvaille scénaristique ingénieuse et émouvante.
Yeun Sang-Ho offre un spectacle sans complexe, loin de l’esthétique glaciale des effets spéciaux de blockbusters hollywoodiens. Certaines séquences sont spectaculaires, comme celles où les zombies s’amassent en une chaîne humaine, et relèguent au rang d’antiquité les scènes numérisées de World War Z. Une réalisation efficace et sans fioriture, qui exploite toutes les possibilités offertes par le cadre du train (comme la scène où les personnages utilisent les porte-bagages pour se déplacer).
Le film a toutefois la fâcheuse tendance à sombrer dans le pathos, notamment lors de la dernière partie, que ce soit par des flashbacks façon telenovela ou le personnage du passager sans scrupules, qui surjoue son rôle. Des traits amplifiés par une forme de théâtralité que l’on retrouve tant dans les mouvements des zombies, inspirées des chorégraphies hip-hop, que dans le jeu parfois poussif des comédiens.
Il est tentant d’esquisser un parallèle avec un autre film prenant également pour cadre un train, Snowpiercer de Bong Joon-ho. A la différence majeure que dans le film de Bong Joon-ho le trajet est circulaire, annonçant la répétition incessante d’un même cycle, celui d’un monde clos et décadent, tandis que dans le film de Yeun Sang-Ho, le train suit une trajectoire rectiligne, une fuite en avant qui symbolise un changement brutal et irrévocable. les deux films partagent toutefois une thématique commune, celle de la lutte des classes. Dernier Train pour Busan développe en effet une critique incisive de la société coréenne, gangrénée par les inégalités et le cloisonnement sociaux. Un pamphlet socio-politique qui n’épargne pas l’Etat coréen, accusé d’aveuglement et de propagande. La traversée des différents wagons va ainsi faire office de parcours initiatique pour ce jeune père de famille divorcé, dont le seul moteur est la préservation de ses intérêts (sa survie et celle de sa fille). Financier peu scrupuleux, le personnage de Seok-woo va progressivement s’ouvrir et se décentrer jusqu’à éprouver de l’empathie pour les autres passagers et acquérir le sens du sacrifice. A l’individualisme des passagers, le réalisateur Yeun Sang-Ho oppose la solidarité spontanée des zombies, qui s’agglutinent pour ne former qu’un corps unique décuplant leur force et leur portée. L’efficacité de la solidarité est ainsi mise en avant face à la stérilité de l’individualisme, facteur de désunion et de destruction. Une figure allégorique de l’élan démocratique qui traverse la société coréenne.
Dernier train pour Busan est très certainement l’un des meilleurs films de zombie de ces dernières années, et l’accueil enthousiaste qui lui a été réservé est amplement mérité. Plus proche d’un 28 jours plus tard que d’un Walking Dead, le film réussit à s’affranchir de ses références en offrant un spectacle d’une redoutable efficacité. Un film remarquable qui détonne dans un genre aux oeuvres tristement conformistes.
88
10
NOTE
Informations
Dernier Train pour Busan
Titre original : Busanhaeng
Réalisation : Sang-ho Yeon
Scénario : Joo-Suk Park, Sang-ho Yeon
Casting : Yoo Gong, Yu-mi Jung, Dong-seok Ma…
Pays d’origine : Corée du sud
Genre : Zombie
Format : 118 minutes
Date de sortie : 17 août 2016