Au coeur de l'horreur

Ava’s Possessions

Synopsis

Après avoir subi un exorcisme, Ava Dopkins essaie de vivre une vie normale. Ayant tout oublié du mois précédent, elle est obligée d’intégrer un groupe anonyme pour les personnes possédées. Elle tente de se rapprocher de ses amis, de retrouver un boulot mais surtout de savoir d’où viennent toutes ces tâches dans son appartement. La vie d’Ava a été volée par un démon. Maintenant, il est temps de la récupérer.

Critique

S’il est un genre horrifique qui fait parler de lui depuis plusieurs décennies, c’est bien celui de la possession. Ce mythe de la cohabitation dans un même corps de deux âmes opposées, antagonistes et en perpétuelle contradiction alimente les cauchemars les plus sombres, mais aussi les rumeurs les plus folles qui soient. Sujet tabou pour l’Eglise mais complètement rituel pour d’autres croyances, c’est pour nous fans d’horreur un fabuleux vecteur de frissons, quand le sujet est bien traité. Un des principaux représentants du genre est sans surprise L’Exorciste de William Friedkin qui en 1973 a littéralement traumatisé toute une génération de spectateurs. Mais depuis, d’autres réalisateurs s’y sont essayés : Sam Raimi avec son cultissime Evil Dead, qui n’a plus besoin d’être présenté, L’Emprise de Sydney Furie ou encore le Prince des Ténèbres de Carpenter. D’autres se sont frottés au démon avec beaucoup moins de succès. Mais il demeure un rapport entre la quasi totalité de ces métrages et qui fera la force d’Ava’s Possessions. Tous nous présentent l’avant et le pendant, mais peu voire aucun ne s’attardent sur la reconstruction des victimes de possession. Difficile à mettre en scène ? Jordan Galland l’a fait, et il faut avouer que sa vision de l’après a attiré notre attention.

Ava’s Possessions illustre dès les premières minutes l’habileté de son réalisateur pour susciter immédiatement l’intérêt du spectateur. Un prêtre, un crucifix, et on se retrouve en vue subjective à vivre avec l’héroïne Ava Dopkins (Louisa Krause) son exorcisme. Rien de très nouveau me direz-vous. Certes, mais ce type de scène se déroule en général dans les dernières minutes du film, et pas lors des premières secondes. Cette scène, qui n’est finalement que très courte, laisse la porte ouverte à la reconstruction de la jeune victime d’un démon qui lui a finalement volé tout un pan de sa vie. Une mise en route certes un peu laborieuse dans son traitement, car le contre-pied mis en place par le scénario tend à déconcerter le spectateur. On découvre la famille d’Ava, son logement dévasté, et l’on assiste à ses tentatives de reconstruction. D’un point de vue humain, le personnage d’Ava est admirablement bien traité et on arrive sans peine à ressentir de l’empathie pour elle. On observe une mise à l’écran métaphorique de l’éternelle peur de ce qui est différent, et même en montrant patte blanche, Ava reste considérée par le monde, par son monde, comme « celle qui… ». Rattrapée par la justice, Ava se verra forcée de choisir son avenir. Et c’est seulement à ce moment que l’on découvrira l’univers fantastique dans lequel le réalisateur à emballé son récit. D’une façon hyper décomplexée, et presque naturelle, on nous présente un club des possédés anonymes, sans tomber dans la dérision et comme on se serait vu servir n’importe quel club pour alcooliques, drogués ou jeunes mamans anonymes. Une idée qui illustre autant le modernisme du sujet de la possession, que la liberté que prend Jordan Galland quant à l’héritage de ses prédécesseurs. Et cette excellente idée produit un effet salvateur à ce genre trop guindé. Exit les mystères indénouables, les interventions divines et autres salamalecs, ici tout est palpable et presque quantifiable tellement le concret prend le pas sur la notion même de bien et de mal que nous considérons comme normale.  Les démons font à présent parti du quotidien. Tout ce que l’on considérait comme différent prend ici une teneur tellement admise que l’on peut quitter nos acquis pour entrer de plain-pied dans cet univers, mais avec force et conviction. À aucun moment il ne s’agit de proposer au spectateur un spectacle comique au revers grand-guignolesque. Ce récit n’est plus une histoire, mais devient un témoignage. Soyons sérieux, on ne plaisante pas avec les démons !

Mais il est un tout petit détail qui complexifie la donne et qui ajoute du corps au combat de notre héroïne. Jordan Galland a en effet utilisé un bien étrange pluriel au titre de son film. Plusieurs possessions ? C’est bien de cela qu’il s’agit et en y réfléchissant bien, il faut se rendre compte qu’Ava devra s’affranchir de bien des doutes afin de trouver la tranquillité. Plus que l’être démoniaque, la réalisation de Jordan Galland met habillement en évidence le combat de la jeune femme contre ses démons, la rapport à son corps mais aussi son rapport aux autres et au monde qui l’entoure. Sa famille est également une habile personnification de l’emprise qu’a cet hôte indésirable sur Ava et qui la prive de son libre arbitre. Afin de trouver le salut, l’héroïne rebondit de rencontre en rencontre, comme une boule de flipper, afin de découvrir ce que ces démons lui ont pris. Son temps, son innocence et son assurance lui ont échappé, et c’est au péril de l’équilibre de son esprit qu’elle luttera pour le découvrir. Sur le fond, ce Ava’s Possessions est donc un film très dense, contrairement à ce qu’il pourrait paraître. Il réussit à déclencher toute une mécanique de réflexion qui ira crescendo jusqu’au climax.

Et j’irai même jusqu’à avouer que la première lecture du film ne dévoile pas tous ces atouts. Étrangement intéressant pour un film qui n’a pourtant pas l’air de faire l’unanimité.

Le tableau aurait donc pu sembler parfait, mais il faudra composer avec quelques maladresses qui, sans être rédhibitoires, empêchent ce métrage de se positionner au premier plan des films de possession. Et c’est principalement dans le traitement des personnages que l’on trouve le plus de défauts. Certains ont des rôles très ambigus (tellement que finalement, cela n’apporte aucun intérêt à l’histoire) comme l’avocat JJ Samson ou encore le jeune Ben, qui auraient mérité tous deux un traitement plus approfondi pour les rendre prépondérants dans le récit. Et la multiplication des intervenants ne sert finalement qu’à complexifier la lecture de ce film qui se serait suffit avec moitié moins de protagonistes. On regrettera également, en fonction des attentes de chacun concernant ce type de productions, un visuel somme toute très timide. Un peu plus de racolage aurait certainement apporté une plus-value visuelle intéressante, sans tomber dans l’excès bien sûr, l’équilibre étant dans le compromis.

Certes, bien peu de reproches à lui faire, mais ce film marche sur les traces des Rosemary’s Baby et autres Amityville (pour ne citer que les plus anciens) et même s’il partage sa sève avec de joyeux échecs comme Le Dernier Exorcisme de Daniel Stamm ou encore The Devil Inside de William Brent Bell, on attend de ce genre de morceaux de bravoure qu’ils nous emmènent au delà de nos a priori, et nous prouvent que ce genre n’appartient pas qu’à Stuart Rosenberg, William Friedkin ou encore Roman Polanski. Mission ratée de peu, mais la malice avec laquelle le jeune réalisateur Jordan Galland a choisi de nous manipuler me laisse penser qu’il ne tardera pas à revenir briser les codes pour notre plus grand bonheur.

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10

NOTE

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Informations

Ava's Possessions affiche

Titre original : Ava’s Possessions

Réalisation : Jordan Galland

Scénario : Jordan Galland

Casting : Carol KaneWilliam SadlerJemima Kirke

Pays d’origine : Etats-Unis

Genre : Film de fantôme

Durée : 89 minutes

Date de sortie : 4 mars 2016 (Etats-Unis)

Lien IMDB

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