Au coeur de l'horreur

Queen of Spades : The Dark Rite

Synopsis

Un rituel antique, une légende, une entité sinistre connue sous le nom de « la Dame de Pique » qui peut être convoquée en dessinant une porte et un escalier sur un miroir…

Critique

J’avoue ne pas être un expert en cinéma de genre soviétique, même si je m’y suis déjà frotté avec le très subversif Philosophy of a Knife de Andrey Iskanov. Un œuvre indélébile mais qui ne résout pas à elle seule la problématique de la capacité des soviétiques à nous offrir du bon cinéma. Et puis, les nombreuses apparitions de la Russie dans le cinéma ont très souvent eu une nauséabonde odeur de guerre froide (pensons au génial A la poursuite d’Octobre Rouge ou encore au Léviathan de George Cosmatos, tous deux sortis juste après la chute du mur de Berlin). Il me faut donc aborder cette œuvre sans avoir de référentiel de comparaison. Et la dernière nation à m’avoir fait découvrir ses premiers pas dans le cinéma d’horreur, à savoir l’Israël avec les deux échecs que sont Jeruzalem et Rabies, m’a laissé un vilain goût amer. Mais quand il faut y aller…

La première remarque qui me vient à l’esprit concernant Queen of Spades est la rapidité avec laquelle le film nous plonge dans le vif du sujet. En effet, la trop conventionnelle mise en bouche à l’américaine se compose habituellement d’une première scène intrigante, avec un peu de sang et ça s’arrête là. On débarque ensuite gaiement dans un camp de scouts, un collège d’ados bourrés d’hormones ou une université servant de plate-forme logistique pour drogues et autres boissons très alcoolisées. Svyatoslav Podgayevskiy (réalisateur au nom imprononçable) fait ici le choix de trancher dans le vif, et fait naître très tôt la tension, qui demeure palpable durant tout le film. Et il faut avouer que la manœuvre peut être déstabilisante. Durant les premières minutes, le spectateur n’ayant pas l’habitude de se faire manipuler de la sorte, s’attend à revenir à un rythme plus lisse avant de remonter dans l’échelle du suspense. Mais passé cette appréhension, force est de constater que le résultat est très réussi. Car il ne faut pas se leurrer, ce film n’a dans son contenu rien qui puisse révolutionner l’industrie du film horrifique.

En effet, quelques adolescents qui se prennent pour des apprentis sorciers en invoquant un esprit plutôt de mauvais poil, cela n’a rien de transcendant. Quant à l’utilisation des miroirs faisant office de portails vers l’enfer, les films OculusMirrorsCandyman entre autres ont déjà tenté de nous en rassasier. Le secret de ce métrage réside donc bien dans son schéma narratif, très éloigné de celui des productions américaines. Réalisé avec un budget relativement raisonnable, Queen of Spades réussi le tour de force de nous tenir en haleine pendant 90 minutes, et de façon relativement homogène. Quelques jump scares plutôt efficaces, mais surtout une souplesse narrative qui réussit le tour de force de coller aux réactions des spectateurs, et d’être bluffante tout en étant relativement prévisible. Ce qui pourrait paraître incompatible prend donc ici une nouvelle dimension. Le secret de cette réussite passe également par le refus de tomber dans des stéréotypes qui foisonnent dans les films d’outre-atlantique, en misant sur des personnages forts aux réactions cohérentes.

Le combat entre le bien et le mal prend également une dimension particulière dans cette œuvre. Son schéma d’ensemble s’avère très manichéen, sans paraître trop rigide. Le récit joue ainsi clairement des oppositions par les miroirs bien sûr, par les caractères et les histoires des personnages, ou encore par leurs contacts avec la fameuse Dame de pique. Le scénario se paie même le luxe d’un climax réussissant avec brio à entremêler le bien et le mal dans une scène à la tension extrême et à la réalisation sans fausses notes. Il faut donc se rendre à l’évidence : le cinéma soviétique envoie un énorme signal d’alarme au reste du monde, en montrant qu’ils sont capables d’égaler les pointures du septième art horrifique.

Visuellement, il faut avouer que ce métrage ne mérite que peu de reproches. La mise en scène est très soignée, avec une caméra qui se place là où on l’attend, et qui participe pleinement à alourdir l’atmosphère. Les puristes pourraient certainement avancer l’argument du relatif classicisme de la démoniaque Dame de Pique. Pas forcément infondé, je trouve pourtant qu’elle conserve sa force malgré la possible comparaison avec d’autres comme par exemple l’entité maléfique du film Mamà de Andrés Muschietti. En effet, sans être foncièrement décalée, cette Dame de Pique arrive à créer le contraste avec le monde réel, en véhiculant l’angoisse indispensable à la réussite de chacune de ses apparitions. Elle sait se jouer de nos sens pour apparaître là où on ne l’attend pas forcément.

Le film s’impose donc clairement comme un récit d’épouvante misant énormément sur le psychologique, tout en s’appuyant sur un visuel raisonné et une bande son quasiment inexistante pour monopoliser l’attention du spectateur sans lui laisser de répit. Cette prouesse, rendue possible sans que le scénario n’en devienne redondant, montre bien que l’industrie cinématographique russe ne fait pas dans l’amateurisme et peut prétendre à déplacer les foules comme le feraient les meilleurs films de genre européens ou américains. À l’avenir, il faudra garder un œil intéressé sur Moscou…

[vc_row][vc_column][vc_text_separator title="Synopsis"][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text]Un rituel antique, une légende, une entité sinistre connue sous le nom de « la Dame de Pique » qui peut être convoquée en dessinant une porte et un escalier sur un miroir…[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_text_separator title="Critique"][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text] [dropcap style="style1"]J[/dropcap]’avoue ne pas être un expert en cinéma de genre soviétique, même si je m’y suis déjà frotté avec le très subversif Philosophy of a Knife de Andrey Iskanov. Un œuvre indélébile mais qui ne résout pas à elle seule la problématique de la capacité des soviétiques à nous offrir du bon cinéma. Et puis, les nombreuses apparitions de la Russie dans le cinéma ont très souvent eu une nauséabonde odeur de guerre froide (pensons au génial A la poursuite d’Octobre Rouge ou encore au Léviathan de George Cosmatos, tous deux sortis juste après la chute du mur de Berlin). Il me faut donc aborder cette œuvre sans avoir de référentiel de comparaison. Et la dernière nation à m’avoir fait découvrir ses premiers pas dans le cinéma d’horreur, à savoir l’Israël avec les deux échecs que sont Jeruzalem et Rabies, m’a laissé un vilain goût amer. Mais quand il faut y aller… La première remarque qui me vient à l’esprit concernant Queen of Spades est la rapidité avec laquelle le film nous plonge dans le vif du sujet. En effet, la trop conventionnelle mise en bouche à l’américaine se compose habituellement d’une première scène intrigante, avec un peu de sang et ça s’arrête là. On débarque ensuite gaiement dans un camp de scouts, un collège d’ados bourrés d’hormones ou une université servant de plate-forme logistique pour drogues et autres boissons très alcoolisées. Svyatoslav Podgayevskiy (réalisateur au nom imprononçable) fait ici le choix de trancher dans le vif, et fait naître très tôt la tension, qui demeure palpable durant tout le film. Et il faut avouer que la manœuvre peut être déstabilisante. Durant les premières minutes, le spectateur n’ayant pas l’habitude de se faire manipuler de la sorte, s’attend à revenir à un rythme plus lisse avant de remonter dans l’échelle du suspense. Mais passé cette appréhension, force est de constater que le résultat est très réussi. Car il ne faut pas se leurrer, ce film n’a dans son contenu rien qui puisse révolutionner l’industrie du film horrifique. En effet, quelques adolescents qui se prennent pour des apprentis sorciers en invoquant un esprit plutôt de mauvais poil, cela n’a rien de transcendant. Quant à l’utilisation des miroirs faisant office de portails vers l’enfer, les films Oculus, Mirrors, Candyman entre autres ont déjà tenté de nous en rassasier. Le secret de ce métrage réside donc bien dans son schéma narratif, très éloigné de celui des productions américaines. Réalisé avec un budget relativement raisonnable, Queen of Spades réussi le tour de force de nous tenir en haleine pendant 90 minutes, et de façon relativement homogène. Quelques jump scares plutôt efficaces, mais surtout une souplesse narrative qui réussit le tour de force de coller aux réactions des spectateurs, et d’être bluffante tout en étant relativement prévisible. Ce qui pourrait paraître incompatible prend donc ici une nouvelle dimension. Le secret de cette réussite passe également par le refus…

6

10

NOTE

6

Note des internautes : Soyez le premier à voter !
6

Informations

Affiche de Queen of Spades : The Dark Rite

Titre original : Pikovaya dama. Chyornyy obryad

Réalisation : Svyatoslav Podgayevskiy

Scénario : Svyatoslav Podgayevskiy

Casting : Alina BabakValeriya DmitrievaIgor Khripunov

Pays d’origine : Russie

Genre : Film de monstre

Durée : 92 minutes

Date de sortie : 10 septembre 2015 (Russie)

Lien IMDB

Articles suggérés

6

10

Starry Eyes

Tetsuo

5

10

Exists

Krueger

7

10

The Duke of Burgundy

Krueger

Laissez un commentaire

Au Coeur de l'Horreur utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité, mesurer l’audience et optimiser les fonctionnalités des réseaux sociaux. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies dans les conditions prévues par notre politique de confidentialité. En savoir plus et gérer les cookies. Accepter En savoir plus